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Professeur des écoles: Témoignage

Démarré par Jacky60, 04 Février 2017, 17:59:46

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Jacky60

Bonjour,

Face à cette absence de soutien à nos collègues enseignants du primaire, le SNPTES pourrait-il envisager de répondre à leur désarroi et les épauler dans leurs missions pour construire la société de demain?

Amicalement.

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Après plusieurs années dans le génie civil et presque deux ans de voyages à l'étranger, j'ai souhaité me réorienter vers un métier qui me tenait à cœur depuis longtemps: celui de professeur des écoles. Voici les raisons pour lesquelles j'ai démissionné quatre mois seulement après ma prise de fonctions.

1. Une politique managériale archaïque et des rapports hiérarchiques trop formels. L'un des premiers constats lorsque l'on débute dans le métier est le suivant: nous sommes seuls. Seuls face aux enfants, seuls face aux parents, seuls aussi parfois au sein de l'équipe enseignante. Il reste alors notre hiérarchie. Son rôle semblait évident: soutenir les enseignants qui exercent un métier difficile au quotidien. Les inspections (ou visites de tuteurs pour les stagiaires) sont pourtant souvent appréhendées avec beaucoup de stress et vécues comme un rapport brut et brutal de notre travail. Les formes n'y sont pas. Discuter, échanger et confronter ses points de vue, toujours dans l'intérêt des élèves, mais de façon détendue autour d'un café, cela ne serait-il pas plus agréable et valorisant? On attache plus d'importance à notre fonction qu'à notre nature humaine, et cela crée une distance entre inspecteurs et enseignants qui entrave profondément les relations. Les enseignants doivent cesser de craindre leur inspecteur et avoir l'assurance qu'ils peuvent compter sur leur hiérarchie, leur confier leurs difficultés, leurs doutes, proposer des pistes d'amélioration. Ils doivent être encouragés avec chaleur et sincérité.

2. Une prise d'initiatives réprimée. Je dispose d'un trait de caractère qui n'a à priori pas sa place dans l'enseignement: la spontanéité. Évidemment il y a des programmes officiels et ils constituent le fil rouge de l'année scolaire. Mais cette course aux programmes que l'on s'efforce de boucler péniblement avant la fin de l'année est tout simplement ridicule. Toute initiative, projets spontanés sont mal perçus car TOUT doit être inscrit dans le cadre des programmes. J'insiste sur le fait que j'ai vraiment aimé travailler avec mes élèves, j'étais apprécié et à l'aise avec parents, enfants, collègues. J'aurais cependant apprécié qu'on nous présente les instructions officielles comme une base de travail, pour nous laisser l'explorer avec notre personnalité, et parfois aller voir au-delà sans se sentir coupable d'être sorti du cadre. Il est à mon sens bien plus constructif de suivre les idées et intérêts de ses élèves -quitte à s'écarter parfois du cadre, et d'essayer d'y raccrocher des éléments du programme. Car finalement, on apprend ce que l'on a envie d'apprendre.

3. Un manque de communication global et de cohésion dans les équipes. L'information ne circule pas, au mieux circule mal. Lorsqu'il s'agit de communiquer une information ou de coordonner des actions, la définition des rôles est floue. En résulte une communication qui manque de fluidité, et parfois incomplète. Cet écueil a un impact sur la cohésion d'équipe: chacun se dédouane, reste dans son coin, et cela crée souvent des tensions dans les équipes. Il faut rendre la communication plus fluide, transparente, mieux définir les rôles et que l'avis de tous soit pris en compte pour les décisions communes.

4. Un mauvais rapport "qualité/prix" et un métier dévalorisé. Je ne suis pas arrivé bercé d'illusions. Je savais que le salaire n'était pas mirobolant, que les prétendues "journées de prof" n'étaient pas si courtes et paisibles que cela. Mais tout de même. Les 24h de classe hebdomadaires valent à elles seules le salaire perçu chaque mois, tant elles épuisent physiquement et moralement. Ajoutez à cela la préparation, les évaluations, l'administratif, vous êtes à plus de 35h par semaine. Mais il y a pire. Vous pensez constamment aux élèves, à vos cours, vous vous remettez très souvent en question. C'est en fait un métier qui vous tient quasiment 24/24 et vous épuise. Avant de tenter l'aventure de l'enseignement, j'ai travaillé quatre ans dans le privé avec des semaines de 50 à 60 heures, et j'étais moins fatigué et mieux payé. Il faut nécessairement revaloriser financièrement le métier d'enseignant, mais également casser cette image "d'instit' fainéant" et lui redonner la place qu'il mérite au sein de la société.

5. Des classes surchargées. Ce n'est pas nouveau, les classes sont surchargées. J'ai entendu encore récemment que 35 enfants de 3 ans dans une salle de classe, cela ne posait pas de problème. Si on aime vivre dans une sorte de jungle urbaine et être le témoin quotidien de pugilats, alors effectivement, cela ne pose pas de problèmes. Tous les enseignants que j'ai pu rencontrer le disent: au-delà de 21 ou 22 élèves, chaque élève supplémentaire nuit au confort de travail de la classe de façon exponentielle. Une classe ingérable avec 26 élèves peut devenir une oasis de sérénité après le passage d'une épidémie de grippe. Il faut désengorger les classes, ou mettre en place des groupes de classes dynamiques avec divers intervenants (sport, musique, art...) qui permettraient de diviser temporairement la classe. À noter qu'en temps périscolaire, le taux d'encadrement est au maximum d'un animateur pour 12 enfants, on imagine alors difficilement un enseignant -aussi formé soit-il- pouvoir gérer convenablement un groupe classe de 30 élèves et plus.


Bon courage à celles et ceux qui tentent chaque jour, avec leurs modestes moyens, de pallier les maux de cette institution vieillissante dont le fonctionnement n'est absolument plus en adéquation avec la société d'aujourd'hui.

vpellerin

Je comprends et soutien ce douloureux constat.
Elise Marais chargé de mission avait fait un communiqué sur le sujet des grandes disparités de salaire des enseignants.
http://www.snptes.fr/La-revalorisation-des-primes-des.html
Et les professeurs des écoles font partie  aussi des grands oubliés. Il était urgent de revaloriser leur salaire.
Il accomplisse chaque jours des prouesses auprès de nos enfants avec des effectifs et des problématiques ascensionnels.
Il faut redonner du sens , du souffle à cette vielle institution qui demande sans cesse à être réformée...
Secrétaire académique adjointe de l'académie de Versailles
Membre de l'observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement

emarais

Bonjour,
Le témoignage ci-dessous dresse un constat sévère mais réel de la situation du système éducatif français et des conditions de travail des personnels, en particulier dans le primaire où les perspectives de carrière sont moindres que dans le secondaire.
Du côté des enseignants, les cas de souffrance au travail et les demandes de reconversion augmentent, face à des conditions de travail de plus en plus difficiles et un manque de reconnaissance à la fois symbolique et financière.
Pour répondre à ces difficultés, le SNPTES peut répondre individuellement et sur le terrain à des situations difficiles tout en travaillant à un niveau plus global sur les questions importantes du système éducatif.
Si ces difficultés peuvent apparaitre corporatistes, elles ne le sont pas puisque c'est la qualité du service public d'éducation qui est en jeu et l'avenir des enfants et adolescents.
Bien cordialement
Elise Marais,
Chargée de mission EN
Chargée de mission Éducation Nationale
elise.marais@snptes.org

Jacky60

Merci pour ta réponse Elise,

Face à ce constat, comment pourrait-on diffuser une communication efficace pour leur manifester notre soutien et les épauler.

Ensuite, il faudrait nous organiser dans nos sections académiques avec si possible un des leurs comme référent, ce serait l'idéal.

Amicalement.

Jacky60

Bonjour,

Le livre de Bernard Toulemonde ne suscite pas les mêmes réactions que les déclarations de Claude Allègre en 1997. Tous deux veulent par ces formules à l'emporte pièce, provoquer un électrochoc pour que chacun prenne conscience de la situation. Pour autant, il ne s'agit pas de tirer à boulets rouges sur la fonction publique et plus particulièrement sur notre « système  éducatif ».
Les organisations syndicales représentatives ont également leur part de responsabilité et ont largement contribué à rigidifier ce système déjà sclérosé. L'intérêt premier est celui de l'élève et de son émancipation.

Pour  réformer notre système, il faudrait, à partir d'un diagnostic partagé, converger vers des méthodes qui soient expliquées et comprises. Si  l'on part sur l'égalité des chances pour chaque enfant dès le premier cycle, cela passera inévitablement par une réorganisation des ressources et donc des moyens, les inégalités territoriales ne peuvent être contestées. Les 2 premiers cycles ne sont pas acquis pour  20% des élèves qui entrent en 6ème  qui ne comprennent pas ce qu'ils lisent. Il est essentiel de transmettre aux jeunes une culture littéraire leur permettant une autonomie et une émancipation intellectuelle. L'école ne peut être tenue responsable de tous les maux de la société où l'évolution et l'addiction numérique prennent une place prépondérante dans l'emploi du temps d'un trop grand nombre d'enfants. Il est urgent d'intégrer l'ensemble des problématiques pour maintenir une société  démocratique.
Les professeurs des écoles ont vu leur métier se dégrader sans être soutenus par leur hiérarchie, ceux qui débutent avec enthousiasme (bien que ce métier ne soit pas attractif ni considéré et mal rémunéré), déchantent  très rapidement. Pour autant, ils sont tous motivés par le désir d'enseigner et de transmettre les connaissances  mais les carcans de notre système normatif font que notre modèle n'est plus adapté.
Il est curieux que ces enseignants du 1er degré entre autres dépendent de l'éducation nationale.
Education vient de éduquer mais enseigner ne signifie pas éduquer. L'Education nationale devrait être avant tout parentale ou à défaut, relever d'une autre institution. Permettons aux enseignants d'apprendre à apprendre, de susciter la curiosité et l'éveil de nos enfants avec une plus grande latitude et plus d'originalité. Ils ne peuvent se contenter d'occuper les enfants, de pallier l'urgence et de faire au mieux avec les moyens mis à leur disposition.
Le corps et les missions  des inspecteurs sont à reconsidérer. Ils ne devraient pas être craints par les enseignants, bien au contraire, ils devraient venir en appui et être à leur écoute, ils sont trop souvent déconnectés de la réalité dans l'exercice de leurs missions alors qu'ils la connaissent fort bien.
Le mot inspecteur est rétrograde, parlons plutôt de conseillers pédagogiques ou autres.
Commençons  par remplacer le Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche par le Ministère de l'enseignement, de la recherche et de l'innovation.
Vouloir confier l'enseignement (mais non l'éducation bien entendu) de nos enfants à des structures privées est une hérésie. Cela  ne résoudra pas le problème de fond mais contribuera à creuser le fossé entre les bons et « moins bons » élèves aves toutes les répercussions sociétales qui en découleront.

Chers collègues enseignants, exprimez-vous.

Xav_D

Bonjour,

N'oublions pas qu'une grande partie des inégalités en matière d'éducation ou d'enseignement est dû au désengagement de l'état qui prescrit tels ou tels matériels et en laisse l'entiere charge aux collectivités locales (je ne compte pas les aumônes ridicules dont les modalités ne peuvent être remplies par de petites collectivités). Pour exemple, les TNI, les tablettes, les installations de sécurisation suite aux attentats...
Et je n'évoque même pas les modifications des programmes qui ne coïncident ni avec un allégement des programmes, ni avec de véritables bénéfices pour l'enfant et ne satisfont que les lobbies des éditeurs de manuels scolaires  ;  sans compter une fois de plus sur les collectivités locales pour financer les achats.
L'enseignement ou l'éducation des jeunes enfants devraient être une charge régalienne permettant ainsi une équité de traitement de l'enfant quelleque soit son origine ethnique ou sociale et/ou sa localisation géographique.

vpellerin

Bonjour,
Je rejoins les idées de Jachy 60 ou le système éducatif français devrait beaucoup plus se satisfaire et se servir de la pluralité des situations sur le territoire.
Mais pour cela il faudrait ouvrir l'école à beaucoup plus de partenaires éducatifs et accompagner les familles vers un modèle de société bien plus apprenante collectivement.
Pour ce qui est du modèle régalien je pense qu'en terme de moyen il a justement montré ses limites.
Et le transfert des responsabilité matériel au région pour les lycées, département pour les collèges et collectivité local pour les écoles ont remis à mens sens plus de cohésion dans la réfection de ceux ci.Et ils en avaient besoin.
Tout comme une meilleur lisibilité des actions menées ou pas des responsables locaux sur le terrain.
Mais qu'est ce qui doit rester du domaine de l'état providence? des pouvoirs locaux?...dans ce vaste domaine.
Secrétaire académique adjointe de l'académie de Versailles
Membre de l'observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement

Xav_D

Bonsoir,

En matière d'éducation/enseignement, j'ai du mal à voir un état providence et même en dehors de cela. Ce que je n'ai pas de mal à voir par contre, c'est un état qui réduit la contribution aux communes et autres structures territoriales, notamment, et qui vient ensuite faire des promesses que d'autres devront tenir, qui transfère des charges et services sans en transférer le budget.
Qui fait face aux parents qui se demandent fort justement pourquoi les promesses ministérielles ne se réalisent pas dans leurs écoles/collèges/lycées, alors que pour eux, il est invraisemblable que ceux qui promettent ne pourvoient pas à la réalisation des promesses faites ? Ce sont les professeurs, les directeurs, les principaux, proviseurs et les élus locaux.

C'est un peu comme si un certain DT ayant promis à ses électeurs qu'il fera construire un mur entre son pays et l'état du sud voisin, voulait faire payer la construction de son mur par l'état voisin.
Il est facile de promettre ou de faire des annonces quand on n'a pas à les tenir, ni à les financer.

vpellerin

Décidemment ce DT fera partie de tout les débats.
Et on peut le manger à toutes les sauces,...
Bien amicalement
Secrétaire académique adjointe de l'académie de Versailles
Membre de l'observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement